La peur – À l’ouest rien de nouveau

2014 – Comédie de l’Est

Présentation

Il y a cent ans, le monde se déchirait sous les pas vengeurs des pays d’Europe. Très vite, le conflit a pris de l’ampleur, jamais on n’avait vu ça et plus jamais on ne voulait le revoir. Deux textes pour se souvenir et tenter de comprendre, deux textes qui ont pour cheval de bataille la littérature et son devoir de mémoire.

« À l’Ouest, rien de nouveau » raconte l’histoire d’un jeune Allemand, Paul Bäumer, parti la fleur au fusil, sacrifier sa jeunesse. Sous les obus sans pitié, il comprend que le patriotisme aveugle qu’on lui a inculqué est vide de sens. Le fier nationalisme qui l’a conduit dans les tranchées se transforme peu à peu en une peur panique et pourtant rationnelle.

« La Peur » est ce sentiment que partagent tous les poilus de l’avant, et dont ils n’ont pas le droit de parler à l’arrière. Chevallier se livre à une analyse minutieuse de ses causes et effets, et de son envers, l’héroïsme. Son constat : loin d’être un sentiment honteux, la peur est une vérité. L’absurdité presque surréaliste de ce cauchemar prend forme dans un récit franc et sans détour. Les voix croisées des acteurs donnent chair à ces destins. Leurs paroles nous atteignent, étonnamment proches dans leurs interrogations.

Avec La Peur, de Gabriel Chevallier, et A l’Ouest rien de nouveau, d’Erich Maria Remarque, Guy Pierre Couleau confie une carte blanche à Philippe Mercier, acteur en résidence.

« Je me sens collaborateur plutôt que seulement acteur. J’écris des textes, je propose de courtes formes pendant les entractes. J’ai la clé du théâtre : symboliquement, ça veut dire quelque chose ! J’ai eu la chance de participer à la grande aventure de la décentralisation : à l’époque, nous étions en quelque sorte des permanents de cette ambition ! Guy Pierre est un continuateur de cet esprit. Je l’ai suivi à Colmar et je me suis associé pleinement à sa démarche pour participer à des créations constituant la programmation de cette maison. Nous travaillons avec les écoles, les collèges, les lycées, nous animons des ateliers avec des amateurs, mais nous allons aussi dans les villages jouer devant les enfants, les grands-mères et les chiens !

Une île créatrice pour la fraternité

Ces cartes blanches sont comme des petites îles où chacun son tour représente la maison : deux ou trois jours de répétition, une forme simple et économe, deux ou trois représentations, pour faire entendre quelque chose  auquel on tient. Chevallier et Remarque appartiennent à deux générations différentes qui écrivent sur la guerre de 14 : le premier décrit la boucherie des tranchées, côté français ; le second les abominations de la même guerre, côté allemand. Guy Pierre voulait ne pas laisser passer cet anniversaire, cent ans plus tard. J’imagine quelque chose qui se rapproche de ce qu’en dit et trace Tardi, sur la bêtise humaine ridicule, et l’espoir que ce genre d’aventure ne se reproduise plus. A Colmar, peut-être plus qu’ailleurs en France, il y a à la fois une admiration extraordinaire pour l’Allemagne et un désir farouche d’être français. Quelque chose est encore à dire et à construire de la fraternité entre ces deux pays. »

Propos recueillis par Catherine Robert